Félix Dupuis débute l’écriture de ’Stared at the Distance’ alors qu’il ressent âprement le besoin de coucher sur papier la terrible détresse émotionnelle dans laquelle il est. « Tout était incohérent ou abstrait, parfois j’écrivais quelques lignes violemment sincères au point de l’inconfort. Elles m’apaisaient mais je n’avais pas alors la volonté que quiconque puisse les entendre » relate-t-il.
L’idée n’est pas ici de s’étendre sur l’histoire de cet album, ni ses détails les plus sordides, tant cet exercice pourrait parfois tendre vers une certaine forme de voyeurisme. « En 2020, alors que j’avais à peine la majorité, une personne de plus de 30 ans qui me connaissait depuis deux ans m’a agressé sexuellement à multiples reprises après des années de discussions et de grooming. Un gouffre s’est creusé dans mon estomac et ne s’est jamais refermé. J’ai commencé à m’autodétruire, j’ai perdu l’envie de tout. Quand j’ai commencé à écrire ce disque en 2020, la souffrance était à son comble. Écrire a toujours été nécessaire pour moi, cela me permettait de détourner mes pensées et de donner un sens aux choses affreuses qui m’arrivaient. »
L’album prend corps, dans la douleur. Des titres ambiants et froids succèdent aux compositions bruitistes, des formats plus rock finissent enfin par s’imposer. « Des morceaux ont commencé à prendre forme soudainement quand j’ai arrêté de me forcer à écrire sur autre chose ou d’édulcorer mon expérience. J’ai écrit ces textes nus, froids et profondément intimes, ajouté ensuite les instrumentations puis les ai transformés en morceaux ». Seul après cette onde de choc, le doute s’installe. Faut-il dévoiler ces titres, faut-il rendre public ce traumatisme ? Le soutien de personnes chères convainc le musicien. Ces compositions doivent être appréhendées comme un exutoire nécessaire – raconter l’indicible - et la volonté de Félix de porter un témoignage, pour lui et pour les autres.