Avec 41 , initialement paru en mars 1994, Swell boucle une trilogie (involontairement) initiée avec Swell en 1990, puis Well en 1992. Les trois albums furent enregistrés à San Francisco, au 41 Turk Street, dans Tenderloin District, quartier désolé n’offrant comme échappatoires que la boisson, le crack et autres dérives nocturnes.
Le trio creuse ici un sillon préalablement tracé : chant désabusé, guitare sèche et déflagrations électriques, basse aride et lointaine, batterie telle un axe vertébral précis et souverain. Et toujours ces bidouillages maison : micros placés à distance, multipistes analogiques.
« Nos chansons ont des couleurs, dans une gamme de gris, de bleu et de marron » confient les musiciens. Le climat est sombre, mystérieux et hypnotique. Il plane au sein de ces chansons une élégance aride et suspendue. Le calme avant l’orage.
Ici on entend un escalier qui craque, la sonnerie lointaine d’un téléphone, le bruit d’une roue qui tourne. Autant d’artefacts sonores qu’il faut conserver et faire vivre. Et c’est sans doute là le tour de force majeur de ce disque : un processus d’enregistrement en huis clos qui capte à merveille les pulsations de la ville, celle des laissés pour compte de l’Amérique.
Compositions à l’humeur maussade et à la beauté fracassante, songwriting à tiroir, chant terriblement obsédant. Trente ans après, le pouvoir d’attraction de cette œuvre majeure demeure.
41 est aujourd’hui réédité en format vinyle avec livret 12 pages (et numérique) dans une version remasterisée par les soins de JJ, Golden Mastering.
David Freel (guitare, chant), Monte Vallier (basse), Sean Kirkpatrick (batterie).
Cette réédition est dédiée à la mémoire de David Freel, prématurément disparu le 12 avril 2022.